A mon signal, amène le dessert!
A la radio juste après ils sont passés à l'actualité économique et ont commencé à évoquer la fin de la crise financière. Pour en parler ils avaient invité un spécialiste économique de chez Pinder et le type dépotait vraiment fort. A la question du journaliste « Mais alors qui va payer les milliards de milliards nécessaires au renflouement du navire des pirates ? » il a bien expliqué en lui serrant le cou très fort et d'un bras que comme c'était lui le plus balèze en économie, il fallait l'écouter et qu'il n'y avait pas d'autres choix valables que de faire payer ça aux contribuables.
Vraiment je dois dire qu'il se donnait beaucoup de mal pour être convaincant. Nous faire admettre que nous n'avions pas d'autre choix et que bien sûr on pouvait trouver ça difficile à accepter, mais ne pas prendre cette option s'avérerait encore plus catastrophique pour nos vies. Là j'ai dû m'arrêter pour laisser passer un énorme bateau sur le passage clouté. Le type a relâché le journaliste qui l'a remercié de sa prestation avant d'enchaîner sur une météo bien maussade dans l'ensemble il faut bien l'avouer.
Le feu est rouge et mon esprit dérive, je suis un poisson nageant au milieu de millions de poissons, libre et fier au milieu de l'océan sauvage et nourricier dans une ferme aquacole. Le feu passe au vert et je reprends la route qui me conduit chez moi. Lentement je sens la tristesse et le vide m'envahir et je me trouve un peu ringard de m'apitoyer comme ça alors que je ne le connaissais pas du tout en vrai, juste au cinéma. Les vrais durs ne dansent pas.
Mais peut-être avait-il réussi à faire passer quelque chose entre lui et moi ?
Peut-être n'a-t-on pas tant besoin côtoyer les gens pour se réjouir de leur existence ?
Peut-être ai-je compris ce qu'il avait à dire ?
Ou peut-être que je me pose trop de questions qui commencent par peut-être ?
Peut-être.
Avant de rentrer j'ai pris une baguette pas trop cuite chez Oleg le boulanger moldave qui formait un nouvel apprenti chinois en me disant que peut-être...et puis non après tout, laissons tomber.
Alors je suis rentré à la maison avec mes doutes. A peine en avais-je franchi le seuil, et avant même que de m'embrasser, ma femme m'a demandé :
-« T'es au courant Guillaume Depardieu est mort !? »
-« Ouais peut-être j'ai dit, grave, peut-être. » Et fatigué comme un homme lucide, j'ai poursuivi mon chemin en traînant les pieds jusqu'aux toilettes. Avant d'en refermer la porte, me retournant j'ai pointé un doigt sur ma femme et j'ai dit :
-« Mais c'est pas lui qui va payer les pots cassés de la crise aquacole moldave en tous cas. Et ça Martine, tu peux pas dire peut-être. »