A mon signal, amène le dessert!
« Ne t’inquiète pas fils, ce n’est rien de grave, ces choses là arrivent de temps en temps sans qu’il faille trop y prêter attention. C’est comme un accident, inévitable et inattendu, c'est regretable bien sûr mais pas de quoi s'inquiéter plus que ça. »
Voilà ce que j’ai dit à mon fils de seize ans quand il a évoqué le meurtre sordide de la veille (un type achevé à coups de pieds) à la sortie d'un bar dans le quartier du théâtre. Nous étions à table et je n’avais pas envie de me gâter l’appétit pour ce qui ne devait être après tout qu’un règlement de comptes entre bandes rivales. Il m’a regardé de derrière sa frange pendant quelques secondes en opinant du chef, avant de se concentrer à nouveau sur son yaourt. Le reste de la soirée s’est passée sans autres discussions, mon fils est monté dans sa chambre et ma femme et moi avons regardé la télé (une comédie de moeurs que nous avions vue trois fois déjà mais dans l’humeur de laquelle nous plongions à chaque rediffusion).
Maintenant je suis au lit, allongé sur le dos. J’écoute les bruits de la maison. Ma femme s’est endormie. J’ai les yeux grands ouverts et je suis aussi assoupi qu’au départ d’un cent mètres. Je repense à ce bar, j'y ai passé une bonne partie de ma jeunesse, je lui dois ma première cuite, la patronne boîtait et marchait avec une canne. Elle s'appellait Betty et ses seins tendaient le pull mauve sur lequel je me suis épanché.
Un putain de meurtre dans les rues de la ville où je suis né.
Bon sang.