A mon signal, amène le dessert!
Assis comme ça sur la digue à regarder les vagues sans cesse recommencer, naître, et mourir de l’élan qui les a fait naître, j'ai pensé qu'il fallait toujours insister, que d'aussi loin qu'elle parte, la mer finit toujours par monter, insister aussi parce qu'elle fini toujours par redescendre.
Après ça m’a fait mal au cul d'être assis sur une pierre froide et d’y penser, alors j’ai bougé.
J'ai marché un peu sur la plage déserte, le nez au vent avant de m'attabler devant un café en terrasse et de me demander quelle quantité de Chasse-Spleen il me faudrait pour dissoudre l’enclume que j’avais posée sur le sternum.
Des litres versés en dizaines de verres vidés.
En rentrant de la plage je suis passé chez le boucher. Il m'a découpé une côte à l'os de 400 grammes en m'expliquant comment on avait découvert par hasard que son fils - le gamin timide se tenait derrière l'étal à côté de son père- n'avait qu'un seul rein, et qui plus est en très mauvais état. Lui bien sûr avait alors spontanément décidé de lui donner un des siens. Une étoile noire devait briller sur cette famille puisque les médecins avaient alors découvert que l'anomalie était congénitale et que lui aussi, qui n'avait jamais été malade et n'avait jusqu'alors subi aucun examen médical, vivait avec un seul rein. Je n'ai rien osé demander au sujet de sa femme, j'ai payé en le remerciant et suis rentré préparer mon repas.
J'ai accompagné ma côte à l'os d'une bouteille de Moulis en Médoc 89 que j'ai tenu à finir debout mon verre à la main, observant la rue déserte par la fenêtre, ma playlist ayant choisi Philadelphia pour célébrer mon naufrage (un homme seul debout au milieu de la nuit un verre à la main chantant Neil Young à la fenêtre d'une maison vide est un naufragé, nul doute que la tempête a fait rage).
Dans mon lit peinant à trouver le sommeil j'ai revu toutes ces vagues écumantes tirant la mer avec elles pour la faire monter (milliers de moutons galopant sur la terre pour la faire tourner). Le sommeil a fini par venir et juste avant de sombrer je me suis demandé ce que tu faisais à cette heure, si tu dormais paisiblement ou bien si d'une façon ou d'une autre quelqu'un t'en empêchait, toi aussi.
Personne n'oublie personne mais le temps passe, on est éternels, pas immortels.