A mon signal, amène le dessert!
Les gouttelettes d'eau refroidissaient sous ma chemise. Dans quelques mètres – décidemment qu’il était long ce couloir - j’allais dire à Anna que c’était fini, que j’avais ma dose de tout ça, de son bonheur rutilant, de ses amis épatants, du sport et du sexe performant, aussi de la vie chatoyante qu’elle entendait me faisait mener. J’allais essayer de faire court. Ne le prends pas pour toi. C’est juste que je ne vais pas très bien en ce moment. On s’est rencontré au mauvais moment. Tout ça est arrivé à cause du vide et de la souffrance qui emplissait ma vie à l‘époque. Un truc insupportable crois-moi. On reste amis ?
A peu de choses près.
Elle dormait quand je suis entré dans la chambre. Je n’ai pas fait de bruit. Anna aimait autant dormir qu’elle y rechignait. Il arrivait souvent qu’elle veuille aller se promener en pleine nuit, de préférence sur une plage, sombre et déserte, juste pour le plaisir d'entendre souffler la mer et de revenir les joues rouges et les yeux brillants de larmes d’avoir fait face au vent. Nous rentrions les cheveux pleins de sable et les pieds trempés, la nuit allait être courte mais qu’à cela ne tienne, ça lui avait ouvert l’appétit, à présent elle voulait manger, avant de faire l’amour. Je tombais de sommeil. Elle dansait alors autour de moi comme une indienne et me couvrait de ses baisers salés en m’ébouriffant les cheveux. Elle me retrouvait endormi au lit après avoir englouti un casse-croûte. A nouveau elle tentait – et réussissait, une fois sur deux sur trois sur quatre – de me réveiller. Nous faisions l’amour – pas souvent dans le lit d’ailleurs, la plupart du temps elle me prenait par la main et insistait par exemple pour que je la prenne debout dans le couloir, son dos cognant hardiment la porte d’entrée, espérant manifestement être entendue de mes voisins de palier qu’elle avait encore envoyé paître hier sous prétexte que lents, ils sont si lents et mous à la détente tu ne trouves pas ? ils avaient cassé le rythme d’une de ses séances de montée de genoux dans les escaliers – puis elle s’endormait profondément, si profondément que ça ressemblait à une disparition.
Elle dormait sur le côté, une épaule dégagée des draps (je ne pouvais décemment pas me plaindre de tout). Etait-ce parce que d’ici peu j’allais la perdre – dans la forêt s’entend, effacer toutes traces afin qu’elle ne me retrouva pas – toujours est-il que j’ai pris le temps de m’asseoir sans un bruit sur le bord du lit et que je peinais à respirer la bouche fermée.
Puis finalement elle s’est éveillée.
Elle s’est étirée en serrant les poings, avant de m'envoyer le même sourire qu'au premier jour.
-Qu’est-ce que tu as tu pleures ? m'a-t-elle demandé.
J’ai posé un baiser sur son épaule et lui ai répondu que non, ce n’était rien, juste que je m’étais mis le doigt dans l’œil, et que ça faisait un mal de chien.
Elle s'est levée d'un bond, envoyant valser la couette au pied du lit, puis a traversé la chambre sans se soucier du déluge. Elle était nue et marchait déjà sur la pointe des pieds, ce qui lui cambrait les reins et lui faisait un cul à se perdre de vue.
Fin.