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A mon signal, amène le dessert!

Crosses.

10h35, Le Touquet, sur la ligne de départ des championnats départementaux de cross 2010, 150 benjamines piaffent d’impatience dans la boue. Attention au départ!…Là un gros type en anorak bleu brise le rang des spectateurs et vient se planter devant une des concurrentes.
Il donne de la voix :
-« J’en ai rien à foutre ! Elle ne prend pas le départ et c’est tout… »
En fait on comprend rapidement qu’il s’adresse aux parents de la jeune fille restés derrière elle.
-« Et bien peut-être mais j’en ai rien à foutre, vous pourriez me le dire en chinois que ça ne changerait rien, j’en ai rien à foutre elle ne prendra pas le départ! »
Derrière sa fille la mère s’active et s’adresse toujours au gros type en anorak bleu qui semble être un officiel de la ligue d’athlétisme ; elle semble opiniâtre et déterminée. Je me dis que merde, faut donner le départ maintenant, si elle n’a pas de dossard elle dégage, c’est pas une course départementale qui va changer sa carrière à la gamine. La mère élève la voix maintenant, elle gesticule et se met à crier d’une voix suraiguë. Le gros type en anorak bleu reprend :
-« J’en ai rien à foutre, je vais l’empêcher de prendre le départ j’en ai rien à foutre ! » Et de poser ses deux grosses paluches sur les petites épaules de la jeune fille. Visiblement les choses se gâtent. Le père qui n’avait pas encore bronché intervient.
-« Vous ne touchez pas à ma fille ! Enlevez vos mains tout de suite !! »
Le gros type s’exécute mais promet démonstration à l’appui (il pose cette fois ses mains sur le épaules d’une autre gamine tout à côté) qu’il touche qui il veut s’il doit faire son boulot et empêcher un athlète sans dossard de prendre le départ fait parti de son boulot. C’est une question de règlement et de responsabilité. Il est 10h40 et le départ n’est pas encore donné. Il y a un peu de vent et la température de janvier dans le Pas de Calais n’incite pas beaucoup aux agapes. On sent que tout le monde en a marre de ses histoires et beaucoup discutent en proposant de laisser partir la gamine quitte à ne pas tenir compte de son classement. Je fais parti de ceux-là. C’est vrai quoi, nous nos athlètes attendent et se refroidissent pour une histoire de validité de licence dont personne n’a rien à faire. Et il est où d’abord le responsable du club de la gamine ? J’hésite à aller trouver les parents pour leur dire qu’ils feraient mieux de ne pas insister, qu’il portent préjudice à leur fille et que de toutes façons les types de la ligue sont plutôt règlement-réglement et qu’ils n’auront pas gain de cause. Et aussi comme ça la course pourrait démarrer, qu’ils règlent leur problème en dehors, et surtout pas devant les enfants qui n’ont que faire de ce genre de conjectures et qui se refroidissent faudrait pas non plus qu’ils se choppent un claquage. Le gros type de la ligue en anorak bleu lève une main au –dessus de sa tête puis la laisse retomber mollement pour marquer son raz le bol. Il quitte les athlètes et la ligne de départ pour rejoindre vingt mètres plus loin un de ces collègues, un anorak jaune avec une belle moustache et un chapeau de chasseur en cuir. Il est aussi gros et se tient prêt à donner le départ, pistolet en main. Ces deux là ont dû être champion d’Europe de Vache qui rît. Les voilà tous les deux qui discutent fermement, la négation semble être leur mode de communication préféré. Non non et non! C’est maintenant le type au pistolet qui s’adresse aux concurrentes, lui a un porte-voix et reste à distance. Il demande à toutes les personnes non pourvues de dossard de quitter la zone de départ faute de quoi l’épreuve ne pourra avoir lieu. Ainsi les parents et les entraîneurs respectifs s’exécutent. Le père de la jeune fille en question ne bouge pas d’un poil. Mieux que ça - on croit rêver – il s’allume une cigarette. Cette fois s’en est trop. Je fais parti de ceux qui trouvent que là quand même, une clope sur la ligne de départ d’un cross, belle marque de respect pour les enfants ! Il est entrain de perdre ses derniers partisans. Partout dans les rangs fusent les mêmes réflexions, ça suffit maintenant, sa fille n’a pas de dossard, il dégage et laisse courir les autres, tout de même ! Les deux gros types discutent de nouveau quelques instants entre eux, il est maintenant 10h50 et les enfants commencent à perdre patience et à courir dans tous les sens pour se réchauffer et occuper ses longues minutes d’attente. Les parents et entraîneurs se regroupent à nouveau derrière la ligne de départ pour donner, une énième fois, les dernières consignes à leurs enfants qui de toutes façons n’écoutent plus. Il se passe quelques instants, trente secondes, puis le premier type en anorak bleu revient à la charge, un sanglier cette fois plus décidé que jamais à exclure – enfin ! – la concurrente récalcitrante. Le voilà arrivé sur elle, il pose à nouveau ses deux grosses mains sur ses minces épaules et l’oblige à reculer. Le père jette sa cigarette au sol, et se précipite sur le type, la fillette s’écarte et échappe à l’emprise du gros type, le père de la fillette s’en saisit au col et tâche de le repousser, pas facile, il résiste et se met à gueuler
-« J’EN AI RIEN A FOUTRE BORDEL ELLE PARTIRA PAS !!! »
Une ola de réprobation sonore parcours l’assistance. Tout le monde est à la fois outré et subjugué. Des adultes qui se battent devant des enfants, mais c'est n'importe quoi!
Finalement deux entraîneurs réussissent à séparer le phoque et l’éléphant de mer – c’est l’effet que ça fait de les voir se repousser ainsi – et chacun reprend sa place initiale. Le gros type en anorak bleu devant la ligne de départ, le père à côté de sa femme et derrière sa fille, elle-même derrière la ligne, toujours prête à prendre le départ de ce championnat départemental de cross du Touquet 2010. Il est maintenant 11 heures et à ce moment du récit, la jeune fille en question - qui n’a pas encore dit un seul mot - se met à pleurer. Elle se reprend et relève la tête.
- S’IL VOUS PLAÎT ! Allez au moins vérifier que ma licence n'est pas valable!
Elle a douze ans, elle pèse 35 kilos et elle parle au type en anorak bleu en avançant le menton, et sans ciller elle le regarde droit dans les yeux. Tout le monde s’est tu. Peut-être est-ce grâce à ce silence, toujours est-il que les officiels s’exécutent et partent vérifier la validité de la maudite licence. Maintenant tout le monde se fout bien de la course et plus personne n’est impatient de prendre le départ, on attend le verdict! Il semble que le vent vienne de tomber.
Les deux anoraks reviennent en dandinant leur bedaine, un dossard à la main, la jeune fille à gagné, sa licence est valable et elle peut prendre le départ de la course! Sa mère l’applaudira et lancera au public :
-« Bravo ma fille ! Ca paie toujours de se battre ! »
La course est finalement partie à 11h10 et je suis allé à l’arrivée espérant – une sorte de chevalerie sportive un peu con j'avoue - que la jeune fille devenue forte gagne la course. Ca n’a pas été le cas. Mais elle a fini septième, pas mal et du coup s’est qualifiée pour les championnats régionaux. J’étais sincèrement content pour elle, et content aussi de l’avoir entendue se défendre. Pas d'âge pour apprendre. Et revenant vers les vestiaires j’ai croisé son père qui fumait encore au milieu de centaines de sportifs en short. Elles avaient l’air bonnes ses cigarettes.
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C
<br /> PJ: Très joli votre Aïe-Cul, Honorable Ma-Xi-Mus.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Melci melci.<br /> <br /> NDLR : Touatué monfer à Taa, toua mouwi!<br /> <br /> <br />
P
<br /> PJ : c'est d'la peau & zizi ou j'm'y connais pas.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Nul doute que c'en est.<br /> <br /> <br /> NDLR : Il n'y a pas de jeu de mot ou de contrepéterie. C'est juste une réponse. Vu que pour le coup, c'en est.<br /> Haha. Pour le coup (pas pu m'empêcher...M'étais promis mais je suis flaibe...faible...)<br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Permettez, cher Maximus, de pouffer de votre pastille jaune... Trop fort!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Pouf pouf!<br /> <br /> <br />
C
<br /> PJ: Vous continuez tout droit, vous descendez la côte, vous longez la mer sur la digue, vous remontez un peu le long de la falaise, vous tournez à droite, vous faites 400 mètres et vous êtes...<br /> chez moi! (ok ok, je prépare les picon-bières...)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> PJ : J'imagine que vous évoquez là l'ancienne pastille....<br /> <br /> <br /> NDLR : Ne vous vexez pas, j'apprécie beaucoup votre compagnie Baron mais je ne coucherai pas avec vous. J'ai des principes, jamais avec mes lecteurs...<br /> <br /> <br />
S
<br /> (je crois qu'il me manque quelques notions pour comprendre...)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> C'est japonais. C'est une sorte de haïku physique, mais c'est vrai que peu de gens connaisse. Ca viendra peut-être.<br /> Ou pas.<br /> <br /> <br />