Sur leur balcon, par une agréable soirée d’automne…
- Regarde ce garçon et cette fille qui s’embrassent. Peut-on simplement imaginer combien ils s’aiment ? Non vraiment regarde-les, elle est lui et il est elle. Ils s’enlacent si fort qu’aucune force ne semble pouvoir les séparer. Il y a autant d’intensité dans leur regard qu’il y a de fougue dans leurs baisers ; pas la peine d’être romancier pour deviner ce que ces deux là se donnent au lit. Ni mesure ni tiédeur, l’ardeur. Et nul doute que chacune de leurs étreintes leur offre la confiance en l’éternité.
Elle lui sourit.
- Dis donc c’est pas mal, t’es en forme…
Il reprend.
- Pourtant le temps passera sur eux comme il passe sur les étoiles, et de jours en jours, imperceptiblement, ils finiront par cesser de briller l’un pour l’autre. Comme s’ils s’étaient consumés au feu de leur propre passion. Il suffira alors que pour échapper à l’insupportable pâleur des jours dont on attend plus rien, l’un des deux tourne la tête, un bref instant suffira, pour qu’il soit ébloui par ne serait-ce qu’une comète, par un objet brillant, céleste et furtif dont il sait pourtant que l’éclat ne dure qu’un clin d’œil.
Mais n’a-t-on pas qu’une seule vie ?
Elle s’est raidie. Opinant du chef, elle acquiesce.
- Ah d’accord.
- Quoi d’accord ?
Elle se saisit maintenant fermement de la rambarde du balcon à deux mains et s’adresse à lui, les yeux troublés.
- Tu veux que je te dise ? Tu fais vraiment chier. J’en ai ras le bol de tes périphrases à la con. Tu veux me dire quoi là ? Qu’il est possible que ? Que la chair est faible ? Qu’il ne faut rêver de rien ? C’est quoi ton plan, préparer le terrain, m’impliquer dans le sabordage de notre couple ?
- Sabordement…
- Quoi sabordement ?!
- Sabordement, on dit sabordement pas sabordage…
- On dit ce qu’on veut, et qui plus est le résultat sera le même, un lamentable naufrement.
- Naufrage…
-Voilà. Non seulement tu me pourris la soirée avec ton hypocrisie morveuse, mais en plus de ça tu n’as aucun humour…
-Ah d’accord... excuse-moi j'avais pas compris…
Elle quitte le balcon et rentre dans l’appartement. Se ravise et revient.
-Finalement tu vois, ça me coûte mais après réflexion je suis obligée de reconnaître que tu as raison, il y a de fortes probabilités pour que je te trompe. Dugland.
Elle rentre à nouveau pour cette fois rejoindre la chambre et se mettre au lit.
Il finit sa cigarette, quelques minutes, et la rejoint.
-Tu pleures ?
-…
-Je t’aime…
-Pauvre type.
Noir scène.
Rideau.