A mon signal, amène le dessert!
Je ne t'écrirai plus. Cette sept cent trentième lettre était la dernière. J'ai beaucoup trop souffert. De ton absence, de tes silences. Toi si loin, moi si seule. Je ne le supporte plus. Tous les jours, deux années. Je ne t'écrirai plus moi qui chaque matin trouvais dans cette simple idée la force de me lever, de m'extirper de ma torpeur, de m'extraire du néant. Moi qui, sur chacun de mes feuillets, dans chacun de mes paragraphes, ai mis plusieurs heures de chacun de mes jours à coucher sur le papier chaque infime détail de mes errances sans ta main dans la mienne, sans ta lumière pour me guider ; moi qui ai rempli des pages entières de toi toi toi ! A te louer comme on vénère la grandeur d'un Dieu généreux ; cent pages à clamer la majuscule de notre Amour, comme la meilleure des choses qui me soit jamais arrivée, à jurer encore que rien d'autre ne serait jamais plus fort que Nous qui nous attendions ; que d'ailleurs rien d'autre ne serait plus, que désormais je ne vivrai plus que pour attendre ton retour, avec dans chaque phrase l'espoir de te serrer dans mes bras, de t'embrasser, te chérir, te caresser, bien au-delà du sens des mots. Je t'ai écrit tout cela mon Amour et j'ai recommencé mille fois ; une fois pour chaque larme venue troubler mes mots.
Mais aujourd'hui, après tout ce temps, ce long tunnel de plus de sept cent jours embaumés d'encens, j'ai décidé d'arrêter, de ne plus perdre de temps. Je suis triste certes alors, mais pas tant que cela. J'ai survécu, je suis encore vivante, toujours debout, et certainement plus forte à présent.
Ainsi s'achève notre histoire. Ainsi s'achève une histoire qui n'aurait peut-être jamais dû commencer. J'y ai longuement réfléchi vois-tu, j'ai eu beaucoup de temps pour cela. Et ce que j'en ai déduit a consolé mon chagrin. Aurions-nous vécu ensemble que tu aurais sacrifié mon âme sur l'autel de ton ego, brûlée aux feux de tes emportements. Tu ne m'aurais jamais acceptée telle que je suis. Je devine aisément et je puis dire sans craindre de me tromper que tu n'aurais eu de cesse que de remodeler ma personnalité à l'image de tes desiderata. Tes amis et ta famille n'auraient jamais accepté une fille comme moi. Mes passions artistiques nous autant que mes penchants lunaires auraient été perpétuelles sources de dispute. Toi qui n'aime que toi et que la poésie ennuie. Tu n'as jamais su donner mon Amour, jamais su regarder autre chose que ton nombril. Tu es monomaniaque de toi-même et rien ne compte plus que ton bonheur, fut-il, ou devrais-je dire surtout s'il est au détriment de ceux qui t'entourent, aux dépends de celle qui t'aime. Ton départ il y a deux ans en porte d'ailleurs la marque. Voilà. Je n'ai plus rien à ajouter. J'y ai cru et je me suis trompée. Nous ne vivrons pas ensemble. Tant pis, je ne suis pas amère et te souhaite malgré tout beaucoup de bonheur.
A toi. Adieu.
PS. J'ai pris la décision de ne pas non plus t'envoyer cette dernière lettre, pas plus que je ne t'ai envoyé les sept cent vingt neuf messages d'amour précédents. Et crois-moi, quand je pense à la vie de merde que j'aurais vécu à tes côtés, je ne regrette vraiment pas. Ha ha !
Ah ça non alors! Rentrer tous les soirs pour retrouver un petit con cravaté engoncé dans ses principes moraux croupis et dégoulinants ?
Mais plutôt crever oui!! Plutôt me taper un âne galeux tiens!!
Sale con!